Le burn-out, ou syndrome d’épuisement professionnel, est un mal des temps modernes difficile à mesurer, dont la reconnaissance en maladie professionnelle va être débattue à l’Assemblée nationale. Comment est défini le phénomène ? Quelles conséquences pourrait avoir une telle reconnaissance ?
Le député socialiste Benoît Hamon a déposé des amendements en ce sens au projet de loi sur le dialogue social, examiné à partir de mardi. Le gouvernement a lui aussi déposé un amendement pour faciliter la reconnaissance des « pathologies psychiques », mais pas par le biais de « l’inscription dans le tableau des maladies professionnelles ».
Qu’est-ce que le burn-out ?
Pour l’Institut national de recherche et de sécurité (INRS), c’est « un ensemble de réactions consécutives à des situations de stress professionnel chronique ».
Le burn-out repose sur trois critères, explique à l’AFP Philippe Zawieja, auteur d’un « Que sais-je? » sur le sujet: « Epuisement émotionnel et psychique, baisse, voire perte totale de sentiment d’accomplissement personnel et déshumanisation de la relation humaine ». Sans ces trois éléments, « on ne peut pas parler de burn-out », dit-il.
Le ministère du Travail avait missionné début 2014 un groupe de travail composé d’experts, de médecins et de psychologues sur le sujet. Il en est finalement sorti un « guide d’aide à la prévention », consulté mardi par l’AFP, qui donne des pistes aux employeurs pour prévenir et faire face au burn-out, mais ne se prononce pas sur la question de la reconnaissance.
Combien de salariés sont touchés ?
Selon une étude du cabinet Technologia, spécialisé dans la prévention des risques professionnels, plus de 3 millions d’actifs (12,6%) sont exposés à un risque élevé de burn-out.
Pour M. Zawieja, cette estimation est « un peu surestimée » et plutôt de l’ordre de 8% de la population active.
Reste qu’il y a « une très forte croissance du phénomène », estime Jean-Claude Delgènes, directeur de Technologia. « Il faut agir, parce que sinon, on va continuer à mettre sur le flanc toute une partie de la population », dit-il à l’AFP.
Le burn-out peut déjà être reconnu comme maladie professionnelle, mais uniquement si le salarié a une incapacité permanente de plus de 25% et si un lien « direct et essentiel » avec le travail a été mis en évidence.
Selon M. Delgènes, avec ces restrictions, il y a eu seulement « 200 et quelque cas reconnus l’an dernier ».
Il plaide donc pour que le burn-out soit inscrit au tableau des maladies professionnelles, relevant que « le Danemark a mis en place un tableau qui fonctionne très bien sur le stress post-traumatique ».
Mais, même sans tableau, dit-il, « il n’est pas normal de demander 25% d’incapacité permanente pour simplement instruire un dossier ». « C’est énorme, dit-il, notant que « si on vous arrache la main, vous avez 20% d’incapacité ».
Pour M. Delgènes, « tout plaide pour qu’on abaisse les seuils à zéro comme en Suède », ce qui ne veut pas dire que toutes les demandes seront reconnues.
Que changerait une reconnaissance en maladie professionnelle ?
M. Zawieja explique que cela changerait « la source de financement », car en passant du régime général au « régime accident de travail/maladie professionnelle, vous êtes financés à 100% par le patronat ».
M. Hamon souligne que ce serait « obliger les entreprises à payer pour les dégâts qu’elles engendrent sur la santé des salariés », assurant que « le coût sera dissuasif ».
Mais, note M. Zawieja, la mesure risque de ne pas s’appliquer aux employeurs publics, « gros pourvoyeurs de burn-out », notamment chez les enseignants, les agents hospitaliers ou les policiers, ou coûterait très cher à l’Etat.
Il rappelle que « deux initiatives parlementaires se sont soldées par des échecs ces deux dernières années ».
Pour Sylvain Niel, juriste chez Fidal, cela pose aussi « question sur le plan juridique », notamment sur « la définition légale » du burn-out. Il faudra « vraiment que le Parlement soit très attentif à la rédaction. Ca ne va pas être une épreuve facile », prévient-il.
Quelle est la position du gouvernement ?
Au ministère du Travail, on souligne que « la démarche centrale, c’est la prévention ».
L’amendement du gouvernement stipule que « les pathologies psychiques peuvent être reconnues comme maladies d’origine professionnelle », mais il rejette l’inscription au tableau des maladies professionnelles, « pas adaptée ».
Il prévoit que les modalités de traitement des dossiers soient fixées par voie réglementaire, ouvrant ainsi la voie à un abaissement du seuil d’incapacité.